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Le politiquement
correct m'a tuer(1)
> MDR
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Depuis l'adolescence, et plus tard, pendant toute
ma carrière de rédacteur en entreprise, j'ai farouchement défendu l'humour comme
vecteur essentiel à tout message, à tout support, à toute forme d'information
et de communication. Ce neuvième livre, MDR, est le troisième que je
consacre à l'humour, après Ca cartoone dans l'entreprise et Les
sentinelles de Chilleurs-aux-Bois. Je considère et considèrerai toujours que
l'humour est un sens aussi indispensable que les cinq autres, la vue, l'ouïe,
l'odorat, le goût et le toucher. C'est le sixième sens, en dépit de ce que la
majorité dit être l'intuition. L'humour est une faculté qui rend ceux qui la
possèdent plus évolués que ceux qui ne l'ont pas. Ceux et celles qui n'ont pas
le sens de l'humour sont pareils à des aveugles, ils sont incapables de
discerner la subtilité d'un bon mot ou d'une boutade qu'ils prennent
systématiquement au premier degré. Ils ne comprennent pas que ce qui est drôle
tient dans la disproportion d’un fait, d’une situation, d’une personne, d’une
attitude, de la même manière qu’une caricature exagère les traits d’un visage.
L'humour, un sens
interdit
Un jour, au cours d'un repas
de groupe, je sors du tac au
tac : "Quelqu'un sait où on peut trouver du porc halal ?" Offuscation générale de la tablée.
Un convive me regarde avec de pauvres yeux et me dit, comme s'il s'adressait à un
demeuré : "Ca n'existe pas !" Constatant que l'érudit assis en face
de moi est insensible au second degré, j'en rajoute une couche, l'air faussement étonné,
sourire en coin : "Ah
bon ?" Je ne sais pas s'il s'est aperçu que je me foutais de sa gueule mais il a
compris, un peu tard, que je plaisantais, enfin j'espère. Face à ce
genre d'individus que sont les offusqués chroniques, il faudrait
systématiquement préciser qu'on plaisante, que les Arabes, Belges, blondes,
homos, etc, qu'on met en boite n'existent pas, que c'est pour de faux, qu'on ne
le pense pas, sans quoi
ils s'empressent de vous poursuivre pour ségrégation raciale ou ethnique. Quand
Johnny Hallyday osa dire - avec humour - lors d'une interview : "je ne pense pas
être un pédé", toute la communauté homo lui tomba sur le dos. Parce
qu'aujourd'hui, les termes tels que pédé, goudou, tata, etc sont considérés comme
offensant, voire humiliant, parce que si vous employez le terme "pédé", aux
yeux des bien-pensants, vous êtes forcément homophobe. Donc, interdit de
raconter une histoire drôle du genre "c'est deux pédés qui papotent..."
Stop ! Il convient de dire "ce sont deux homosexuels qui discutent...",
voire, pour répondre à la norme pudibonde et frileuse du politiquement correct,
"ce sont deux personnes d'orientation sexuelle différente qui échangent..."
L'humour est muselé, bâillonné, édulcoré, parfois interdit par le
politiquement correct qui l'a assassiné à petit feu.
Dans les années à venir, plus personne de
racontera de blagues salaces et grivoises. Interdites, les histoires de blondes,
de Belges, d'Arabes, de Noirs, de bègues, de nains, de Mongoliens, coupables
seront leurs narrateurs ! L'humour aura totalement disparu de la planète. Il
subsistera un succédané d'humour mais ce sera un humour entre guillemets, un
humour protocolaire, un humour sanitaire et propre, sans écart, dépourvu de toute finesse, de tout ce qui
fait la force de ce sens extraordinaire dont le monde entier sera privé et rendu
aveugle par la déprogrammation méthodique du vocabulaire rabelaisien, riche,
subtil et libertin. Le sens de l'humour sera devenu un sens interdit. Le seul
humour qui sera toléré sera l'humour politiquement correct. L'intolérance est
déjà en vigueur.
Le politiquement
correct, c'est quoi ?
Le politiquement correct est une norme de conduite puritaine et infantile conforme au
système, norme à laquelle sont assujetties les mentalités formatées par la
novlangue, toutes générations confondues. Ce code de société tend à
réprouver ceux et celles qui n’y adhèrent pas et qui s’expriment
librement, apparaissant de ce fait comme rebelles et insolents, y compris
par leurs proches. Le politiquement correct est une attitude de tous les
instants, un état d’esprit, une mentalité, un langage. Le politiquement
correct est reconnaissable à son vocabulaire affecté, édulcoré, altéré,
anesthésié, fliqué. Il ne s’exprime pas en français, il parle en
novlangue. Comme un perroquet, il enrichit spontanément son langage des
termes bon chic bon genre qu'il perçoit autour de lui, sur internet, à la
télévision. Il adopte volontiers une expression formelle et propre, exempte de toute
opinion car sans cesse sur la réserve. C’est le roi des yapadsoucistes et des entreguillemetistes. Le
politiquement correct ne marche jamais hors des clous, il a peur de tout.
Opposé à toute forme de révolte, il répugne à s'engager, préférant la subordination à l’indignation, il est
servile et obéissant, il rase les murs, se fait petit.
La novlangue, c'est quoi ?
Le colonel Régis Chamagne, ancien pilote de
l'armée de l'air, décortique le sens caché des expressions politiquement
correctes utilisées par les professionnels de la communication, par les
politiques, par les médias.
La novlangue, langue politiquement correcte, a
supprimé les mots qui dérangent les bonnes consciences, elle a tout balayé. Plus
de personnes âgées, ni de troisième âge, plus de vieux, ni de vieillards, encore
moins de vioques, de vieilles peaux, de grabataires, de gâteux, de pépères, de
mémères, de papés… place aux seniors ! Comme si, à 70 balais, on était
subitement devenu sportif. Plus de problèmes mais des soucis. Plus
d'inconvénients mais des bémols. Plus de clochards mais des SDF. Plus de cancres
mais des élèves en progression. Plus d’instituteurs ni d’institutrices mais des
professeurs des écoles. Plus de licenciements mais des plans sociaux. Plus de
secrétaires mais des assistantes. Plus de débordés mais des overbookés. Plus d’immigrés mais
des migrants. Plus de romanichels mais des gens du voyage. Plus de femmes de ménage mais des techniciennes de surface.
Plus de nourrices mais des auxiliaires parentales. Plus
de caissières mais des hôtesses de caisse. Plus de dactylos mais des opératrices de saisie. Plus de Noirs ni de
Magrébins mais de gens de couleur et de confession différentes. Plus de cons
mais des personnes à intelligence modérée. Et cætera et cætera et cætera. (Voir
La foire aux sucettes )
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Libre, l'expression ?
Paru en 1978, ce numéro du mensuel Fluide Glacial, dirigé par Gotlib, présentait
une couverture qu’il serait impensable de voir aujourd’hui dans la vitrine d’un libraire,
comme de nombreux supports humoristiques victimes de la censure instaurée par
la dictature du politiquement correct.
(© Fluide Glacial - Editions Audie - Paris) |
Pour estimer l’ampleur de cette glu linguistique qu'est la novlangue, de tous ces
mots réducteurs qui collent au langage comme une crotte de chien malodorante
colle à la semelle, il faut se tourner vers le passé, vers cette époque
regrettée où la liberté d’expression n’était pas encore sous contrôle, se
remémorer les grands noms des arts qui n’étaient pas politiquement corrects
puisque le concept n’existait pas en leur temps. Les grandes gueules d’hier, les
Gabin, Delon, Ventura, Blier, Marielle, Carmet, Brassens, Ferré, Inconnus, Font
et Val, et autres artistes du même tonneau, ont cédé leur place à un peloton de
frileux politiquement corrects qui respectent à la lettre les scénarios à zéro
pour cent de matière graveleuse.
Les acteurs et les chanteurs du passé, forts en
gueule et en caractère, ne perceraient pas de nos jours s’ils étaient jeunes,
soumis à l’implacable désapprobation des politiquement corrects, choquables et
enclins à s’émouvoir au moindre mot tendancieux. Ces précieux ridicules sont
outrés par les bandes dessinées de Reiser, de Gotlib, par le grivois capitaine
Haddock et son répertoire de jurons, par Luky Luke qui ose s'afficher un mégot
aux lèvres, et même par Tintin, ignoble raciste dans ses aventures au Congo. Ils
tomberaient en syncope si la télévision diffusait des émissions non
politiquement correctes telles que Le petit rapporteur, de Jacques
Martin, Droit de réponse, de Michel Polac. Ces émissions délicieusement
satiriques étaient diffusées à une époque où la télévision avait vocation de
distraire avant de devenir l'instrument de propagande destiné à formater les
cerveaux disponibles et manipulables à souhait.
Dans ce contexte social où l'humour est prohibé et
où des humoristes percutants sont considérés comme des conspirationnistes, il devenait urgent de
rassembler dans un recueil, le plus grand nombre de ces histoires interdites,
puisées dans ma mémoire, avant qu'elles ne sombrent définitivement dans l'oubli. Ce recueil,
que j'ai intitulé MDR, est une opération de sauvetage. C'est un cas de
conscience. Plutôt que de raconter les blagues comme on le fait sur le zinc d'un
comptoir où à la faveur d'une soirée bien arrosée, je les ai rendues plus
littéraires, elles sont écrites comme de courtes nouvelles, les personnages ont
un prénom, voire un nom, ce n'est pas seulement "un Belge" ou "une blonde",
c'est "Karl" ou "Blondine".
Si d'aucuns s'interrogent sur le sens du
titre qu'ils ne comprennent pas ou qu'ils trouvent trop succinct, MDR
est l'abréviation de Mort de Rire, sigle très populaire et répandu à travers les supports
technologiques, notamment les téléphones mobiles. De
nombreux termes sont ainsi nés de l'usage des claviers qui ne possédaient qu'une
douzaine de touches alphanumériques. De plus, le nombre de caractères par
message étant limité, il était plus rapide et plus économique d'écrire phonétiquement de manière à réduire les
mots : kdo pour cadeau, bi1 pour bien, etc. Une nouvelle forme de
dactylographique se mettait en place naturellement. Ainsi naquit tout un
vocabulaire phonétique dont MDR fait partie. Le drame est que, malgré
l'évolution des smartphones disposant d'un clavier intégral, ce vocabulaire
phonétique est resté et s'est propagé de manière systématique, dans un joyeux
massacre de l'orthographe.
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Projets de couvertures non
retenues |
Ceux qui n’ont pas le sens de l’humour sont de
dangereux procéduriers qui crient sans cesse au scandale car ils confondent
l’humour avec l’atteinte à l’intégrité et ils peuvent de ce fait attaquer et
poursuivre un fantaisiste. Les cas sont fréquents d’humoristes régulièrement bannis,
poursuivis ou interdits sous des prétextes souvent futiles. Quand ils ne sont
pas purement et simplement assassinés. Car, souvent, les humoristes dérangent.
L’humour est un moteur très puissant qui dévoile les travers de la société,
ridiculise les effets de mode qui conditionnent l’individu, tourne en dérision
les discours trompeurs et autres mensonges des médias et de la publicité,
dénonce les forfaitures des puissants de ce monde. Il convient par conséquent de
faire taire ces empêcheurs de mystifier par tous les moyens. Le 7 janvier 2015,
le monde entier a pu apprécier de quelle façon on pouvait mettre un terme
définitif à la liberté d’expression en France.
Nous sommes au 21ème siècle, nous sommes censés
être évolués et affranchis, et cependant la liberté d’expression n’a jamais été
aussi controversée, paralysée par les lois liberticides décrétées par les
procéduriers politiquement corrects qui voient le mal partout. La censure est
toujours très active en
France, armée de ses vaillants petits soldats, zélés, castrateurs et couards, qui passent
au crible toutes les formes d’expression dont la liberté
est menacée en permanence.
Ils interdisent d’antenne et de radio les agitateurs en paroles qui s’expriment
trop librement. Les humoristes sont en première ligne. Aujourd’hui,
faire de l’humour cru publiquement est presque devenu un délit. Si nous étions
encore au Moyen-Âge, on trainerait les humoristes au bûcher comme des
hérétiques. Et mon livre finirait dans les flammes de la damnation sur la place
publique pour contenu subversif et contraire à la morale (comme sur
l'illustration ci-contre).
En conséquence, si vous n’avez pas le sens de
l’humour ou si vous êtes politiquement correct, ne lisez surtout pas MDR ! Vous
allez tout comprendre de travers, vous ferez un caca nerveux parce que vous
aurez lu un truc qui vous contrarie, vous allez me faire une montée d'adrénaline et ça va gâcher votre journée.
Alors
autant éviter une dépense inutile.
Hara-Kiri in memoriam
Le journal Hara-Kiri, aussi délicieux et
impertinent qu’il fût a été remplacé par Charlie Hebdo. Dégustons quelques-unes de ses savoureuses planches qui,
il n'y pas si longtemps, amusaient encore ceux qui avaient le sens de l'humour.
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