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Au-delà des montagnes
> Pour toi j'écraserai les montagnes
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Pour toi j’écraserai les montagnes est une
histoire qui a germé dans ma mémoire dans les années 90, c’est-à-dire il y a
plus de 30 ans, bien avant d’entreprendre l’écriture de mon premier livre
Raphèle à l’an pèbre, dont la longue préparation a démarré en septembre 1997. A cette
époque, j’avais déjà écrit plusieurs livrets à diffusion restreinte. Sans avoir une
réelle intention de devenir auteur, l’idée d’écrire un roman s’amorçait. Pour
cette histoire, un titre m’est tout de suite venu à l’esprit : « Vacances à
Saint-Perlé », Saint-Perlé-des-Sources étant un village que j’imaginais blotti
dans la montagne. Je procède toujours de la même manière lorsque j’écris un
livre, je commence par établir vaguement un scénario de mémoire, j’ébauche
quelques personnages et je réfléchis au titre. D’abord et avant tout, trouver le
titre du futur livre, avant même de commencer à l’écrire. Quand j’ai trouvé ce
titre, tantôt rapidement, comme une évidence, tantôt au bout de plusieurs jours
d’intenses réflexions, comme c’était le cas pour celui-ci, j’ai l’impression que
le livre est déjà écrit pour la moitié. Ensuite je m’atèle à l’ordinateur pour
créer la couverture. En gros, je travaille sur l’emballage avant de construire
le contenu. Une sorte de magie s’opère alors, en voyant la jolie vitrine,
s’éveille l’inspiration de ce que je vais mettre à l’intérieur du magasin dont
elle est le principal reflet.
Déjà, il y a plus de 30 ans donc, une trame se dessinait autour du village
imaginaire de Saint-Perlé, l’amitié d’une petite fille en vacances et d’un homme
sauvage, rejeté par la civilisation. J’étais probablement influencé par le
superbe film de Jean-Loup Hubert, Le grand chemin, et par l’admirable témoignage
d’Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages. A cette époque, je découvrais la
randonnée en montagne, la soif des grands espaces nourrissait déjà mon
imagination. Il aura fallu attendre dix ans avant que je ne décide de parcourir
les sentiers de la vallée de la Clarée et que je découvre, enfin, le village
d’Emilie Carles, Val-des-Prés, qu’elle raconte merveilleusement dans son livre.
Trois photos des vallées de la Clarée et de
Névache :
En arpentant les chemins de cette vallée, l’idée
se précisait que c’est là que se déroulerait l’histoire. Et puis, lorsque je me
suis lancé dans l’écriture plus sérieuse, j’ai laissé Saint-Perlé de côté pour
d’autres narrations qui me paraissaient plus essentielles. En 2020, le souvenir
de ce village imaginaire a refait surface, il était temps que je l’expose au
grand jour, avec son décor grandiose, avec ses habitants pittoresques et
attachants, avec sa ferme toute blanche et ses animaux, avec ses fruits gorgés
de soleil, avec son église plantée au milieu.
Sur le métier, cent fois
remettre l'ouvrage
Depuis le concept de
départ, deux éléments fondamentaux ont changé. Le personnage principal, une
petite fille, a laissé la place à un petit garçon. Entre temps, était paru La
chambre d’hôtes qui met en scène la petite Mélusine, âgée de 11 ans, à qui il
arrive les pires péripéties. En resservant à nouveau un personnage similaire
dans ce nouveau roman, il est évident que le lecteur aurait eu la nette
impression que l’auteur se copie lui-même. Or, en changeant le sexe du
personnage principal, fut-il un enfant, c’est toute sa psychologie, donc
l’histoire, qui est également à revoir car un gamin ne réagit pas de la même
manière qu’une fillette face à la même situation. Là où une petite fille va se
mettre à pleurer, un garçonnet va se mettre en colère, la petite femme comme le
petit homme a déjà son caractère qui modifie considérablement le déroulement du
scénario selon la réaction de l’un ou de l’autre avec l’effet papillon qui en
découle. Mais comme certaines scènes essentielles étaient au départ pensées pour
un comportement féminin (je ne peux pas donner d’exemple pour ne pas dévoiler
des passages du roman au cas où vous ne l’auriez pas encore lu), j’ai adapté ces
scènes en féminisant légèrement le petit garçon pour qu’il accomplisse ce
qu’aurait dû accomplir la petite fille parce qu’elle pense comme une petite
fille. Assez ardu comme pirouette mais ça donne des résultats très percutants
finalement et tout à fait plausibles. L’histoire prend une dimension d’autant
plus dramatique que le petit Gaston manifeste une sensibilité encore plus
touchante. Le rôle d’un auteur n’est-il pas de créer des émotions pour faire
vibrer son lecteur assidu et sa lectrice sensible pour qui ce livre semble être
écrit sur mesure au point que je me suis demandé si je n’allais pas offrir à ces
dames un paquet de mouchoirs en papier avec chaque exemplaire. A ces messieurs
pourquoi pas, pour peu qu’ils aient une sensibilité féminine et c’est tout à
leur honneur. Tout ça pour dire qu’en lisant Pour toi j’écraserai les montagnes,
on rit et on pleure de bon cœur. Ciel ! Aurais-je donné dans la littérature à
l’eau de rose ?
Pour illustrer la couverture du
livre, j'ai sélectionné cette photo de Victoria Borodinova, photographe russe,
issue d'un site d'images libres de droits
(Pixabay) après en avoir regardé et écarté plus de mille avant de tomber sur
cette photo providentielle. Non seulement cet enfant correspond en tous points
au petit Gaston mais il en a conditionné le personnage.
Le second élément qui a changé concerne le titre. En y réfléchissant,
Vacances à
Saint-Perlé est un titre superficiel, sans substance, dans l’esprit de Une
journée à Machinville ou Un été à Saint-Glinglin. On peut ainsi en pondre une
brave liste. Quand il ne vient pas tout seul, un titre est souvent difficile à
trouver, que ce soit le titre d’un livre ou le titre d’un article. Il nécessite
de se remuer les méninges, de remettre l'ouvrage sur le métier, cent fois s'il
le faut. Comme le nouveau titre ne voulait pas sortir malgré
l’effort cérébral, il a fallu pousser fort… sur le papier. J’ai donc établi une
suite de titres probables jusqu’à ce que le bon titre finisse par sortir au prix
d’un accouchement intellectuel douloureux. C’est là qu’on s’aperçoit que la
prise de notes manuelle s’avère fort utile, car la main et le crayon sont en
relation directe à l’essence de l’idée. Le clavier d’ordinateur ne fait que
formater l’idée. Aucun de mes livres n’a été conçu sans ses précieuses notes
manuscrites qui l’accompagnent à tout moment pendant l’écriture. Ci-dessous un scan
de la page du carnet sur laquelle figurent ces titres bruts de neurones. Vous
remarquerez que j’ai
arrêté de chercher dès que j’ai senti que j’avais trouvé le bon. Pourquoi avoir
choisi celui-là : Pour toi j’écraserai les montagnes ? J’ai d’abord
supprimé le « s », transformant ainsi le conditionnel en futur simple dans la
même idée que « Je boirai tout le Nil si tu n’me reviens pas » chanté par Claude
François dans sa chanson Alexandrie Alexandra. Passer du conditionnel au
futur simple, c’est passer d’une éventualité à une certitude, c’est dire « je le
ferai » de façon ferme, en dépit de l’invraisemblance de l’action. Ecraser les
montagnes est aussi improbable que boire le Nil, ce sont des paroles qui
traduisent une volonté de faire quelque chose d’impensable, par amour, par
amitié, c’est un cri de désespoir qui colle tout à fait à l’esprit du roman et
qui a un rapport direct avec celui-ci. Soulignons un détail à propos du titre,
il eut été de bon aloi d’ajouter une virgule après « toi » mais une ponctuation
ne me semble pas heureuse dans un titre court, de la même manière qu’on ne met
pas de point final dans un titre. J’ai donc viré la virgule, uniquement pour
l'esthétique du titre.
Ouen
et Pé sont sur un bateau
Concernant le nom du village que j’ai imaginé,
Saint-Perlé-des-Sources, si le prénom de « Perlé » semble absurde, il suffit de
placer Saint devant celui-ci pour obtenir le nom d’une commune à la
consonnance tout à fait plausible, au même titre que des milliers de villes et
de villages français qui commencent par Saint. Ôtez le « Saint » de ces
agglomérations et vous obtenez une ribambelle de prénoms chimériques qu’il
serait audacieux d’attribuer à notre progéniture sous peine de maltraitance
verbale. Quelques exemples (limitons la sélection aux saints masculins) :
Broing, Cyr, Sixte, Yorre, Pé, Leu, Ay, Yon, Froult, Ouen, Cirq, Ours, Cricq,
Blin, Pois, Nic, Phal, Flour, Vert, Rome, Vaast, Cloud, Dos, Gal, Vit, Gor,
Loube, Bauzille, Pabu, Fiacre, Eustache, Trimoël, Privat, Huruge, Gondon,
Pancrace, Racho, Baraing, Xandre, Papoul, Euzèbe, Dizier, Méen, Trojan, Igneuc,
Gravé, Bonnet, Cannat, Chamas, Vougay, Emilion, Jeanvrin, Pavace, Rogatien,
Thélo, Genest, Acheul, Sardos, Péreuse, Maclou, Agnan, Lupicin, Cibard,
Morillon, Genou, Nabor, etc. Fallait oser s'appeler ainsi. Ceci dit, quatre
personnages du roman portent des prénoms de ce style, pour rester dans le ton
des prénoms consternants d’originalité qu’on entend parfois.
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Projets de couvertures non
retenues. L'idée d'une déchirure qui traverse la page comme une plaie a été
abandonnée. Sur les premières épreuves apparait la vallée de Névache en
guise de décor derrière le personnage. Le projet final a recours à une
photo, issue du même site internet, davantage en rapport avec le contexte
car y figure une église, élément crucial de l'histoire. |
Châlons-sur-Marne
La ville de Châlons-en-Champagne est évoquée à
plusieurs reprises. J'ai vécu dans cette ville de 1975 à 1976, pendant le
service militaire, elle s'appelait encore Châlons-sur-Marne avant le grand
chambardement des noms de communes et de régions qui secoue la France. A
l'époque, Châlons était une ville de garnison qui comptait plusieurs casernes en
activité, les quartiers Chanzy, Février, Corbineau... la population militaire
était conséquente. Les trouffions, en treillis, arpentaient les rues à toute
heure, surtout le soir, les bistrots ne désemplissaient pas. Régulièrement, la circulation s'arrêtait pour laisser
passer les convois militaires en exercice. Aujourd'hui, il n'y
a plus de militaires et les casernes, désaffectées, voient leurs parterres
envahis de mauvaises herbes. Certains bâtiments de l'armée ont été rasés,
d'autres reconvertis en locaux ou en habitat civil. Le lecteur pourrait voir un
anachronisme dans le fait que la ville actuelle soit à nouveau peuplée de
militaires. L'erreur, s'il y a, est volontaire, elle répond à une certaine forme
de nostalgie. A travers ce livre, je redonne à la ville ce qui faisait sa fierté
jadis, ce qui la faisait vivre en partie : les soldats et leur famille. Suite au départ de
ces effectifs de plusieurs milliers de personnes, appelés compris, l'économie,
ainsi que la vie sociale, culturelle et scolaire ont été profondément
bouleversées. Le temps de quelques pages, à travers deux personnages,
Châlons-en-Champagne retrouve le faste de son aînée Châlons-sur-Marne.
Ci-dessous, des photos des lieux évoqués dans l'histoire.
L'église Notre-Dame en Vaux
Le jardin anglais du Jard et sa
passerelle
La cathédrale Saint-Etienne (vue du
jardin du Jard)
Chercher à comprendre, c’est
commencer à désobéir, dit justement l'écrivain québecois Jean-Michel Wyl. C'est
cette règle qui motivera le petit Gaston tout au long de l'histoire, désireux de
comprendre quelles sont les raisons obscures qui ont amené un habitant de
Saint-Perlé à s'isoler dans le dénuement le plus austère. La rencontre entre ces
deux extrêmes sera tour à tour explosive, attendrissante, passionnée,
bouleversante, éperdue. Cent fois, l'enfant sera rejetté, cent fois il
affrontera les obstacles comme un chevalier téméraire et profondément engagé
dans un combat vertueux, pour une gloire qui jaillira comme un miracle inespéré.
Pour toi j'écraserai les montagnes est plus qu'une simple histoire
d'amitié, c'est une légende, une de ces histoires écrite avec des larmes, on en
ressort bouleversé si notre coeur veut bien, l'espace de quelques pages, se
laisser toucher par l'innocence, par la faiblesse des sentiments qui
s'épanouissent comme une fleur au printemps qu'un vol de papillon suffit à faire
frémir.
MD
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